mardi 22 mars 2011

Le premier déménagement

Quand vous êtes jeune, vous avez besoin de beaucoup de repères pour construire votre personnalité :
Une famille stable, des parents qui travaillent mais qui ont aussi des loisirs, un environnement de vie sain, une alimentation saine, des amis, une famille étendue, etc.

Il est clair que je n'ai eu que la moitié de tout cela. Cette moitié m'a suffit apparemment, pour devenir le jeune professionnel insupportable que je suis...

Le cocon de votre enfance est souvent votre chambre, l'endroit dans lequel vous imaginez vos histoires d'enfants, là où vous rêvez, le seul endroit qui vous rassure quand vous avez peur.

Ma chambre était modeste, j'ai été privé de papier peint pour éviter de gribouiller dessus, j'avais une lampe en verre les Schtroumpfs au plafond, une petit armoire, des coffres à jouets, un bureau et un lit superposé.
Toute ma vie tenait dans mes coffres à jouets et dans mon bureau. Dans le bureau les bds dont je raffolais étant gamin : Super Picsou Géant, Tintin, etc. Dans le coffre à jouet, des petites voitures, des Lego, un espèce de chalet en bois, des petits soldats, des Playmobil, ...

Le carrelage de ma chambre était d'un gris triste, on ne pouvait pas faire plus moche et déprimant que d'assortir le carrelage de ma chambre au ciel des Ardennes qui s'étalait sur ma grande fenêtre.
Cette fenêtre donnait sur le jardin. La maison étant petite, un adulte aurait pu sauter par la fenêtre de ma chambre, deux mètres plus bas, pour tomber dans l'herbe sans se blesser. Je n'ai jamais pu sauter de cette fenêtre, comme nous avons quitté la maison avant mes 10 ans...

Nous avons déménagés pour aller dans le prétendu quartier huppé de ma ville. Habitant entre un retraité de l'armée, un postier et un fonctionnaire, je me suis rapidement dit qu'il y avait un bon commercial dans cette arnaque...
Ma chambre était plus petite, mais donnait sur la forêt, mon frère avait enfin sa chambre, et nous avions une grande salle de jeux, concept que j'ai découvert en même temps que la maison...

J'ai eu droit à du papier peint dans cette chambre, des cheveux sur fond de ciel bleu. Certains naissent avec une malchance chronique, moi c'était pour les papiers peints... Le carrelage, couleur grès, me faisait penser à la terre du sud de la France, sur laquelle on marche pieds nus en se brûlant... Dehors il faisait toujours 10°c et pluvieux, mais on se rassure comme on peut !

Le temps de l'innocence dans cette maison s'est vite dissipé, car un an après, alors que nous étions en vacances dans les alpes, le facteur nous apporta un télégramme (Oui je suis vieux, pas de téléphone portable à l'époque, pas d'email, même pas de ligne fixe dans la maison...).
Dans ce télégramme, un associé de mon père nous apportait une mauvaise nouvelle... Nous venions d'être cambriolés. Découverte d'un mot et de sa signification en 10 sec... Les larmes arrivèrent à la 11ième seconde

On m'avait volé mes jouets ! Ma première console, pour laquelle j'avais du triompher du classement général de l'année scolaire face aux diaboliques jumelles, tous les jeux que je n'avais jamais eu l'occasion de finir... En fait ils ne m'ont volé que ça... Aucun pull Jacadi n'a disparu, aucun livre de maths non plus.

C'est forcément l'évènement qui a dirigé notre vie à la maison les années qui ont suivi :
Renforcement de toutes les ouvertures de la maison, pour en faire un château fort moderne; achat d'un pistolet à grenailles pour mon père, qui se prenait donc pour Rambo; aigreur vis à vis de tout le quartier qui n'avait pas bougé le petit doigt quand c'est arrivé.

Des années d'aigreur chez mes parents... Autant le cambriolage peut être vécu comme un viol, autant je pense que l'on sous-estime gravement les années qui suivent pour la famille qui en a été victime. Mes parents avaient peur. Quand on a peur on ne fait rien, on n'invite personne, on n'ouvre les volets que si c'est nécessaire, on rentre les voitures à 18h au lieu de 22h, on ne part plus en vacances en même temps que tout le monde, etc.

Une manière de se désocialiser à l’extrême... Vu le nombre élevé d'amis qu'avaient mes parents (moins de 3), l'opération s'est passée rapidement...

Et moi dans tout ça ?

Fais tes devoirs, tu auras des amis plus tard...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire